debout contre sa volonté de contrôler totalement la planète ?
Ils lèvent la voix et intimident ceux
qui veulent voter en faveur du gouvernement modéré et progressiste
actuellement à la tête de la Thaïlande. Il n’y a pourtant aucun
contentieux concernant le processus électoral – le vote est généralement
libre, comme en attestent aussi bien les observateurs internationaux
que les membres de la Commission électorale.
La liberté, la légitimité et la
transparence, voilà les vrais enjeux. J’ai quitté Bangkok, et alors que
je suis dans l’avion, une pensée me hante : beaucoup de lieux sur
lesquels j’ai écrit dernièrement vivent une situation similaire à la
Thaïlande. Ceux qui sont élus démocratiquement, les progressistes les
plus fervents, tous ces gouvernements à travers le monde sont sous le
feu nourri d’attaques menées par des voyous, des bandits, des éléments
antisociaux, voire carrément des terroristes.
Des émeutiers, à Bangkok, en Thaïlande, le 18 février 2014
Je l’ai vu à la frontière
turco-syrienne, j’ai entendu des récits de plusieurs autochtones, dans
la ville turque de Hatay, ainsi que dans la campagne près de la
frontière. Là, on m’a stoppé, empêché de travailler, interrogé par la
police locale, l’armée, les groupes religieux alors que j’essayais de
photographier un de ces « camps de réfugiés » construit par l’OTAN
spécialement pour les combattants syriens qui y étaient hébergés,
entrainés et armés dans cette zone.
Hatay a été envahie par des cadres djihadistes saoudiens et qataris, avec le soutien des Etats-Unis, de l’Union Européenne et de la Turquie qui ont fourni logistique, appui, arme et argent.
La terreur que ces gens répandent dans
cette partie du monde, reconnue comme historiquement paisible,
multiculturelle et tolérante, est difficilement descriptible. Des
enfants vivant dans un village à proximité de la frontière nous ont
décrit des raids, des vols, de la violence et même des meurtres commis
par les rebelles anti-Assad.
Ici et à Istanbul où j’ai travaillé
avec des intellectuels progressistes, issus des médias et du monde
académique, on m’a toujours dit que « l’opposition » anti-syrienne était
entrainée, financée et encouragée par l’Occident et par la Turquie
(membre de l’OTAN), causant la mort et la perte de millions de vies dans
la région toute entière.
A l’heure où j’écris ces mots, RT (une
radio locale) diffuse un reportage exclusif depuis la ville syrienne
d’Adra. La ville a été bombardée et détruite par les pro-Al Qaeda et les
forces d’opposition pro-Occidentales, dont l’Armée Syrienne Libre.
C’est ici qu’il y a un mois, plusieurs personnes ont été tuées,
lapidées, brulées vives et décapitées. Au lieu de mettre un terme à
l’appui apporté à une ‘opposition’ syrienne raciste, fanatique et
brutale, Washington continue à diaboliser le Régime d’Assad et à le
menacer d’intervenir militairement.
Dans ces pays où des gouvernements
patriotes et progressistes ont été élus, ce sont les élites locales qui
recrutent ces voyous pour le compte de l’Empire Occidental. Et avant
eux, les soi-disant ‘’élites’’ sont recrutées, financées, entrainées ou à
tout le moins éduquées par l’Occident. Sur un plan intellectuel, les
médias privés se livrent une concurrence acharnée pour savoir qui
d’entre eux sera le plus soumis au maître étranger. L’armée et les
forces féodales les plus rétrogrades, dont les forces fascistes à
travers le monde (voyez l’Ukraine par exemple), sont ainsi remises en
selle, bénéficiant et profitant pleinement de la situation.
Tout ceci se passe à divers niveaux et à des degrés de brutalité très variables : Thaïlande, Chine, Egypte, Syrie, Ukraine, Venezuela, Bolivie, Brésil, Zimbabwe et de nombreux autres lieux à travers le monde.
Le procédé et la tactique sont quasiment
toujours les mêmes : des médias financés par l’Occident, voire des
médias Occidentaux eux-mêmes, jettent le discrédit sur les gouvernements
élus par les peuples, participent à la création de scandales, tressent
des lauriers aux mouvements d’opposition nouvellement créés.
Pour peu que le gouvernement soit
« nationaliste », réellement patriote et au service des intérêts de son
propre peuple contre le pilonnage international, (à l’inverse du
Gouvernement Abe au Japon apparemment décrit comme nationaliste, mais
qui en réalité collabore étroitement avec la politique étrangère
américaine dans la région), il se retrouve dans le collimateur et figure
dès lors sur une liste noire invisible mais puissante, à la manière de
la mafia d’antan. Comme l’a particulièrement bien résumé Michael
Parenti : « Tu fais ce qu’on te dit de te faire ou on te brise les
jambes, capice ? »
J’ai assisté à la destitution du
Président Morsi par l’Armée (j’étais critique par rapport à sa politique
au début, comme j’étais critique du gouvernement de Mr Shinawatra,
avant que les atrocités frappent l’Egypte comme la Thaïlande), qui dans
sa course zélée, a entraîné la mort de plusieurs milliers de personnes,
principalement des pauvres.
Je multipliais à ce moment-là les
aller-retour en Egypte depuis plusieurs mois, tournant un documentaire
pour la Chaine de Télévision Sud-Américaine, Telesur. J’ai vu avec
désespoir mes amis révolutionnaires se terrer, disparaître de la surface
de la terre. Pendant ce temps, des familles célébraient honteusement et
ouvertement les morts causés par l’armée.
La logique et la tactique étaient
prévisibles : bien que capitalistes et d’une certaine façon soumis au
FMI et à l’Occident, le Président Morsi et les Frères Musulmans
n’étaient pas très enthousiastes pour collaborer avec l’Occident. Ils
n’ont jamais réellement dit ‘non’, mais cela ne semblait pas suffisant
au régime américano-européen qui exige non seulement une obéissance
totale, inconditionnelle mais aussi qu’on lui baise la main et d’autres
parties du corps. Le régime exige une obéissance à l’ancienne mode
protestante, qui s’accompagne d’une auto dévaluation et d’un sentiment
constant de culpabilité : il ordonne une servilité sincère et véridique.
Il apparaît clair que presqu’aucun pays,
aucun gouvernement ne peut échapper à l’annihilation s’il ne se soumet
pas totalement. Le sentiment va tellement loin que si les gouvernements
de pays en voie de développement tel les Philippines, l’Indonésie,
l’Ouganda ou le Rwanda ne proclament pas clairement à Washington,
Londres ou Partis « nous sommes uniquement là pour votre bonheur, vous
l’Occident », ils risquent alors une annihilation totale, même s’ils ont
été élus démocratiquement, même si (et même surtout si) ils sont
supportés par la majorité du peuple.
Tout ceci n’est pas nouveau, bien-sûr.
Mais dans le passé, les choses se faisaient avec un peu plus de
discrétion. Aujourd’hui, elles se font au grand jour, ainsi personne
n’osera se rebeller, ni même rêver.
C’est ainsi que la révolution
en Égypte a été sabotée, détruite et cruellement exterminée. Il ne
reste absolument rien du prétendu « Printemps arabe », juste un
avertissement clair « qu’on ne vous y reprenne pas, ou alors… »
J’ai vu les élites en Égypte danser et célébrer leur victoire.
Les élites aiment l’armée. L’armée leur garantit une place au Zénith,
voilà leur pouvoir. Les élites donnent à leurs enfants à brandir des
portraits de leaders militaires responsables du Coup d’Etat,
responsables d’avoir causé la mort de milliers de vies, responsables
d’avoir brisé les espoirs et les rêves du Monde arabe.
Ce que j’ai vu en Égypte était
terrifiant et ressemblait au putsch de 1973 au Chili (un pays que je
considère comme mon deuxième ou troisième chez-moi), ce putsch, dont je
ne me souviens de rien en raison de mon âge, mais dont les séquences
vues et revues, n’en ont jamais diminué l’horreur.
Ou alors… c’est la torture ou bien le
meurtre de civils à Bahreïn. Ou alors… c’est l’Indonésie en 1965-66. Ou
encore la chute de l’Union Soviétique. Ou alors… c’est l’explosion d’un
avion de ligne en plein vol ; un avion cubain détruit par des agents de
la CIA. Ou encore les ravages causés à l’Irak, la Lybie, l’Afghanistan,
au Vietnam, au Cambodge et au Laos, renvoyés à l’âge de pierre. Ou
alors… ce sont des pays totalement dévastés comme le Nicaragua, Grenade,
Panama ou la République Dominicaine. Ou alors… ce sont 10 millions de personnes massacrées en République
démocratique du Congo, tant pour ses ressources naturelles que pour
l’anti-impérialisme ouvertement affiché par son grand leader, Patrice
Lumumba.
Il est certain que ce que vit le monde
actuellement pourrait être décrit comme une nouvelle vague de
l’offensive impériale occidentale. Cette offensive se déroule sur tous
les fronts et s’accélère de manière très rapide. Sous la houlette du
très distingué prix Nobel de la Paix Barack Obama, de ses amis néo-conservateurs,
de ses amis socialistes aux accents bruns, de la réélection du Premier
ministre fasciste au Japon, le monde devient un lieu particulièrement
dangereux. C’est comme si une certaine ville frontalière était envahie
par des gangs violents.
La perception biblique de « vous êtes
avec moi ou contre moi » gagne du terrain. Soyons conscients face aux
récits. Soyons conscients lors des soulèvements, soyons conscients lors
des mouvements de protestation contre les gouvernements. Lesquels sont
réels et lesquels sont créés de toute pièce par l’impérialisme et le
néo-colonialisme ?
Cela apparaît extrêmement déstabilisant
pour la majorité des gens qui sont noyés par le flot d’informations des
médias privés. Il y a effectivement de quoi être déstabilisé. Et plus
les gens le sont, moins ils sont enclins à s’opposer aux réels dangers
et à l’oppression.
Mais au final et malgré tout, le peuple
thaïlandais a voté le 2 février dernier. Il a surmonté les barricades,
il s’est battu contre ceux qui essayaient de fermer les bureaux de vote.
Et en Ukraine la majorité continue de supporter son gouvernement. Et ni
le Venezuela ni Cuba ne sont tombés. Et les rebelles Djihadistes n’ont
pas encore pris le contrôle de la Syrie. Et l’Erythrée et le Zimbabwe
sont encore et toujours derrière leurs leaders.
Les gens ne sont pas des brebis. Dans
plusieurs endroits du monde, ils ont réalisé qui étaient leurs
véritables ennemis. Quand les Etats-Unis ont participé au coup d’Etat
contre Chavez, l’armée a refusé de suivre, et quand un homme d’affaires a
été désigné pour prêter serment en tant que Président, l’armée a
commencé à faire route vers Caracas avec ses chars afin de protéger le
leader élu et légitime. La révolution a survécu.
Chavez est décédé, et d’aucuns affirment
qu’il a été empoisonné, que le cancer lui a été inoculé, qu’il a été
éliminé depuis le Nord. Je ne sais pas si c’est vrai, mais avant de
mourir, on l’a photographié, chauve et transpirant, souffrant d’une
maladie incurable, mais déterminé et fier. Il criait « ici personne ne
se rend ! » Et cette image et cette phrase à elles seules ont inspiré
des millions de personnes.
Je me souviens, l’an dernier à Caracas,
debout face à un énorme poster montrant son visage, épelant ses mots. Je
l’aurais remercié, serré contre moi si j’avais pu, s’il était encore en
vie.
Non pas parce qu’il était parfait- il ne l’était pas. Mais parce
que sa vie, ses mots et ses actes ont inspiré des millions de personnes,
sorti des nations entières de la dépression, du malheur et de
l’esclavagisme. Je lis sur son visage ceci : ’’ils essaient de te
descendre par tous les moyens, mais tu résistes…tu tombes et tu te bats
encore. Ils essaient de te tuer mais tu te bats…pour la justice, pour
ton pays, pour un monde meilleur.’’ Chavez n’a pas dit cela, bien-sûr,
mais face à son photographe, tel a été le ressenti.
Depuis, une partie des pays d’Amérique du Sud
a été libérée et s’est unie contre l’impérialisme occidental, et ils
seront difficiles à battre. Oui, ici, personne ne se rend !
Le reste du monde est encore très
vulnérable et enchaîné. L’Occident ne cesse de produire et d’aider des
forces d’oppression, qu’elles soient féodales ou religieuses. Plus la
population est oppressée, moins elle est disposée à se battre pour la
justice et pour ses droits. Plus elle est effrayée, plus elle est facile
à contrôler.
La féodalité, l’oppression religieuse et
les dictatures d’extrême droite, tout cela sert parfaitement le
fondamentalisme de marché de l’Empire, et son obsession de vouloir
contrôler la planète. Mais un tel programme est anormal, et donc
temporaire. Les êtres humains sont épris de justice, par essence, c’est
une espèce décente et altruiste. Albert Camus, à juste titre, en arrive à
la conclusion dans son magnifique Roman ‘La Peste’ (analogie pour
combattre le fascisme) : « il y a dans les hommes plus de choses à
admirer que de choses à mépriser ».
Ce que l’Occident fait actuellement au
reste du monde n’a rien de nouveau : fomenter des conflits, soutenir le
banditisme et le terrorisme, sacrifier des millions de personnes pour
ses seuls intérêts commerciaux. C’est ce qu’on appelle le « fascisme
ordinaire ». Et le fascisme est venu et il a été vaincu par le passé. Et
il le sera à nouveau. Il sera battu à nouveau car il est néfaste, car
il va à l’encontre de l’évolution humaine naturelle et car les peuples à
travers le monde sont en train de prendre conscience que les structures
féodales que le fascisme occidental essaie de mettre en place à travers
le monde, appartiennent au 18ème siècle, pas à celui-ci et ne devraient
plus être tolérées.
Traduit pour Investig’Action par Mustapha Bahman
Source : informationclearinghouse.info
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